Dire que L.C croit aux signes du destin serait une simplification de sa philosophie de vie et de ses croyances, mais, ça n'en est pas moins vrai. Elle sait que certaines choses sont inscrites dans les étoiles, peuvent être perçues par une compréhension du monde à travers l'émotion et la sensibilité, plutôt que la Raison dichotomique imposée par l'homme occidental au fil des siècles. Et elle sait aussi qu'elle a un don, une capacité plus accrue que d'autres à sentir le monde autour d'elle, à voir et entendre au delà de ses sens physiques. Parfois, cela se manifeste par une expérience transcendantale, une clarté d'esprit inégalé. Parfois, il s'agit simplement de repérer un flyer dans une boulangerie et suivre son instinct.

Il y a un risque pour une femme seule d'appeler un numéro sur un papier laissé dans un lieu public, pour convenir d'un rendez-vous avec un parfait inconnu. Qui plus est, pour servir de modèle à des peintures. C'est un peu fou et la blonde n'a pas totalement perdu l'esprit, contrairement aux apparences. Ses coloc savent où elle est - sauf Emma, qui l'aurait sûrement attachée à un fauteuil plutôt que de la laisser partir, elle n'a aucun sens de l'aventure - et elle a promis d'envoyer un message à Benjie en arrivant et de le retrouver dans un bar du coin à une heure précise. Des précautions qu'elles jugent inutiles, sachant en son for intérieur qu'elle ne risque rien. Mais, elle a vu et entendu trop de choses affreuses pour ne pas faire preuve d'une prudence élémentaire.

Finalement, elle arrive devant l'immeuble qu'on lui a indiqué et sonne à l'interphone. « Salut, c'est L.C, on s'est eus au téléphone. Pour la peinture? » On lui ouvre et elle se dirige vers l'appartement, un sourire calme sur les lèvres. La porte lui est ouverte quasi instantanément et elle tend une main chaleureuse au jeune homme face à elle. « Enchantée! Je suis ravie de te rencontrer, ton visage va merveilleusement bien avec ta voix. Doux. » C'est peut-être lui, finalement, qui va s'inquiéter d'avoir à faire à une illuminée et appeler ses amis en renfort. Mais quelque chose lui dit que non.

La jeune femme sourit au compliment de Ray, qui ne semble pas de ceux qui utilisent le mot original pour déguiser leur mépris, mais a l'air au contraire tout à fait en mesure d'apprécier le look excentrique de la blonde. « Merci! Tout le monde n'apprécie pas, ça fait plaisir. » Pas qu'elle en ai vraiment quelque chose à faire, mais cela instaure tout de suite un climat positif.

Aujourd'hui, elle a abandonné son goût pour les perruques, préférant montrer à l'artiste sa tignasse d'un blond platine pas si naturel. L.C porte aujourd'hui un long manteau brun en fourrure (fausse, évidemment), qui pourrait être tout droit sorti de chez Gucci, s'il n'avait pas été déniché aux puces de Camden pour trois fois rien. La veste ouverte laisse voir un body pailleté sous un t-shirt transparent purement décoratif et le tout est complémenté par un pantalon en vinyle et de longues bottes rouges, à hauts talons. On ne dirait pas que c'est le milieu de l'après-midi et qu'elle rencontre quelqu'un pour la première fois, plutôt qu'elle se dirige droit au club. Mais quel intérêt à vivre sa vie en jogging informe, quand le monde est plein de belles choses?

Elle suit le peintre dans son petit atelier, empli d'objets et de sources d'inspiration, elle n'en doute pas. La tireuse de cartes hoche simplement la tête quand il lui propose à boire. « Du thé c'est parfait! Vert si tu as, sinon du breakfast tea, ça ira très bien aussi. » L.C regarde autour d'elle, cherchant à s'imprégner un peu du style du garçon. Elle voit quelques collages, un chevalet visiblement prêt à être utilisé. Il semble tend de se lancer dans le vif du sujet. « Alors, c'est quoi ton projet du coup? On est pas entrés dans les détails au téléphone, tu as une idée précise ou tu veux juste t'entraîner à faire des portraits? » Est-ce le genre de choses qu'ils auraient dû établir avant de se rencontrer et, potentiellement, se rendre compte que leurs idées ne s'alignent absolument pas? Sans doute, mais il est bien trop tard pour ça. Et puis, ça n'arrivera pas, Luisa ne s'est jamais déplacée pour rien. Même si elle s'est parfois retrouvé à faire tout autre chose que ce pour quoi elle était venue.